Intervention de Mohammed Oussedik, Secrétaire confédéral de la CGT, au colloque "Nouveau pacte social : mode d'emploi" du 21 mai 2013
Jean-Pierre Chevènement
Je donne tout de suite la parole au « procureur » M. Oussedik. Que pensez-vous de l’accord intervenu ? Pourquoi la CGT ne l’a-t-elle pas signé ? Comment voyez-vous la transposition de cet accord au niveau de la loi ? Enfin comment situez-vous la perspective générale du rôle du syndicat par rapport au modèle social dans le contexte du pays qui est le nôtre ?
Je donne tout de suite la parole au « procureur » M. Oussedik. Que pensez-vous de l’accord intervenu ? Pourquoi la CGT ne l’a-t-elle pas signé ? Comment voyez-vous la transposition de cet accord au niveau de la loi ? Enfin comment situez-vous la perspective générale du rôle du syndicat par rapport au modèle social dans le contexte du pays qui est le nôtre ?
Mohammed Oussedik
Je vous remercie de m’accueillir dans votre colloque. Cela fait partie des moments très importants qui nous permettent d’exprimer un certain nombre de points de vue même si je sais que, dans la salle, beaucoup rencontrent notre organisation syndicale et savent quelles sont ses positions.
Si vous le permettez, je commencerai, non pas en réaction ou en « procureur », mais simplement par quelques mots sur les principaux points qu’a développés Louis Gallois, notamment sur l’état du dialogue social dans le pays. Ce point est crucial. En effet, c’est de notre capacité à assurer un dialogue social constructif mais offensif qu’émergeront les consensus et les compromis (dont la CGT est aussi capable).
Je vous remercie de m’accueillir dans votre colloque. Cela fait partie des moments très importants qui nous permettent d’exprimer un certain nombre de points de vue même si je sais que, dans la salle, beaucoup rencontrent notre organisation syndicale et savent quelles sont ses positions.
Si vous le permettez, je commencerai, non pas en réaction ou en « procureur », mais simplement par quelques mots sur les principaux points qu’a développés Louis Gallois, notamment sur l’état du dialogue social dans le pays. Ce point est crucial. En effet, c’est de notre capacité à assurer un dialogue social constructif mais offensif qu’émergeront les consensus et les compromis (dont la CGT est aussi capable).
On nous attribue une posture contestataire mais, dans les entreprises, nos équipes syndicales traitent chaque sujet de façon constructive. 85 % des accords d’entreprises sont signés par la CGT.
Sur cet aspect (confiance ou méfiance), nous avons manqué quelque chose sur le plan interprofessionnel, c’est ce que nous devons identifier aujourd’hui.
« Vous êtes partie prenante de l’entreprise à tous les niveaux, y compris dans les branches. On ne comprend pas vos postures de refus ou de méfiance systématiques ! », nous reproche-t-on souvent.
Quels éléments pourraient susciter notre confiance ?
La moindre des choses serait de nous associer à l’élaboration des stratégies développées par les entreprises. Nous nous sommes beaucoup investis dans la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences [1], un accord emblématique qui avait pour objectif d’instaurer la confiance entre les partenaires sociaux en matière de stratégie des entreprises. Partout où l’information sur la stratégie réelle des entreprises a été partagée, la GPEC a débouché sur des choses extrêmement intéressantes. Chez Saint-Gobain, le groupe que je connais le mieux, nous avons été consultés sur la stratégie de l’entreprise. Les plans sociaux, les restructurations ont été sortis de la discussion pour être traités, dans le cadre de la législation actuelle, lors des consultations de comités d’entreprises, en disposant de l’information et des expertises nécessaires. Nous n’étions pas pour autant entrés dans le monde merveilleux de la codétermination et la codécision, mais les éléments de confiance que nous avions obtenus nous ont permis de tranquilliser le débat et d’aboutir à un accord. Aujourd’hui, dans le groupe Saint-Gobain, la CGT signe 80 % des accords. Signer des accords n’est pas une fin en soi mais cela montre que le climat de confiance est installé au plus haut niveau et que nous prenons nos responsabilités dans la stratégie du groupe. Nous avons milité pour que l’anticipation, en termes stratégiques, ne soit pas qu’un mot qu’on nous jette, lorsque l’entreprise va mal et doit réduire ses effectifs, pour nous « associer » à l’accompagnement de ces stratégies… mais pas à la décision !
Sur cet aspect (confiance ou méfiance), nous avons manqué quelque chose sur le plan interprofessionnel, c’est ce que nous devons identifier aujourd’hui.
« Vous êtes partie prenante de l’entreprise à tous les niveaux, y compris dans les branches. On ne comprend pas vos postures de refus ou de méfiance systématiques ! », nous reproche-t-on souvent.
Quels éléments pourraient susciter notre confiance ?
La moindre des choses serait de nous associer à l’élaboration des stratégies développées par les entreprises. Nous nous sommes beaucoup investis dans la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences [1], un accord emblématique qui avait pour objectif d’instaurer la confiance entre les partenaires sociaux en matière de stratégie des entreprises. Partout où l’information sur la stratégie réelle des entreprises a été partagée, la GPEC a débouché sur des choses extrêmement intéressantes. Chez Saint-Gobain, le groupe que je connais le mieux, nous avons été consultés sur la stratégie de l’entreprise. Les plans sociaux, les restructurations ont été sortis de la discussion pour être traités, dans le cadre de la législation actuelle, lors des consultations de comités d’entreprises, en disposant de l’information et des expertises nécessaires. Nous n’étions pas pour autant entrés dans le monde merveilleux de la codétermination et la codécision, mais les éléments de confiance que nous avions obtenus nous ont permis de tranquilliser le débat et d’aboutir à un accord. Aujourd’hui, dans le groupe Saint-Gobain, la CGT signe 80 % des accords. Signer des accords n’est pas une fin en soi mais cela montre que le climat de confiance est installé au plus haut niveau et que nous prenons nos responsabilités dans la stratégie du groupe. Nous avons milité pour que l’anticipation, en termes stratégiques, ne soit pas qu’un mot qu’on nous jette, lorsque l’entreprise va mal et doit réduire ses effectifs, pour nous « associer » à l’accompagnement de ces stratégies… mais pas à la décision !
C’est ce qui explique qu’au moment du débat sur les conseils d’administration, conseils de surveillance etc., nous avons demandé à être associés au comité d’audit, instance par laquelle l’entreprise s’engage à donner des informations essentielles au marché. Nous considérons que ces informations doivent être communiquées aux représentants des salariés. On considère souvent que l’accès des représentants des salariés à un certain nombre d’informations sur l’entreprise relèverait du délit d’initié… permettant une contre-offensive contre les stratégies choisies. J’observe que ce n’est pas le cas dans la plupart des grands groupes.
Il faut donc établir les éléments de confiance des deux côtés. Nous sommes aussi confrontés à des postures syndicales de défiance : des organisations refusent d’être associées aux stratégies des entreprises pour ne pas avoir à trancher sur des choix douloureux (des réductions d’effectifs par exemple). Mais, au jour le jour, les organisations syndicales sont constamment amenées à trancher sur des choses douloureuses en travaillant sur les aspects sociaux.
Il faut donc établir les éléments de confiance des deux côtés. Nous sommes aussi confrontés à des postures syndicales de défiance : des organisations refusent d’être associées aux stratégies des entreprises pour ne pas avoir à trancher sur des choix douloureux (des réductions d’effectifs par exemple). Mais, au jour le jour, les organisations syndicales sont constamment amenées à trancher sur des choses douloureuses en travaillant sur les aspects sociaux.
L’Accord national interprofessionnel (ANI) pose un problème fondamental : l’articulation entre la place du dialogue social et le rôle du législateur. D’autant plus qu’on n’a pas défini les règles pendant qu’on négociait cet accord (dont je pense aussi qu’il est peut-être le plus important de ces trente dernières années). Autour de la table, une partie prenante était soumise à des règles de représentativité, l’autre ne l’était pas [Quelle est la représentativité établie pour le Medef ? Pour l’instant, il n’y en a pas]. Malgré ce cadre de négociation tout à fait imparfait, il était décidé en préalable que l’accord qui en sortirait ferait l’objet d’une loi. Certains souhaitent même que cette forme de dialogue social soit inscrite dans la Constitution, soumettant ainsi toute loi sociale à l’approbation de la partie employeur. Le lieu choisi était le siège du Medef, pour négocier sur le texte présenté par le Medef, avec des interlocuteurs choisis par le Medef !