Directrice générale de Pum, enseigne de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, Sibylle Daunis-Opfermann prend position pour la généralisation du stockage et du réemploi de l'eau de pluie, une ressource essentielle.
Le Gouvernement vient de décider que l’eau potable était une priorité absolue. Objectif : changer nos habitudes et limiter notre consommation. C’est bien sûr une étape incontournable pour faire face au réchauffement climatique (pardon aux climato-sceptiques) et aux vagues de sécheresse qui en découlent. Je m’étonne cependant que l’utilisation de l’eau de pluie ne s’impose pas comme une solution d’évidence sachant que moins de 8 % de l’eau que nous utilisons requiert d’être potable (celle qui est bue ou utilisée en cuisine). Sur les milliards de m3 d’eau qui tombent du ciel, seulement 40 % renflouent les nappes et les cours, les 60 % restants s’évaporent à un moment ou à un autre, avant de réussir à s’infiltrer dans le sol. Une perte sèche, si j’ose dire.
Remplacer jusqu’à 40 % de l’eau potable par l’eau de pluie
La législation française permet de collecter l’eau qui ruisselle des toitures et de l’utiliser à l’extérieur des bâtiments sans restriction, qu’on soit un particulier ou une municipalité : laver sa voiture ou les rues de sa commune, arroser jardins et espaces verts, remplir sa piscine… tout cela est déjà possible. En ajoutant un système de double-connexion à l’eau de pluie et au réseau d’eau potable, on peut aussi l’utiliser pour laver le linge, le sol et alimenter les toilettes. En utilisant l’eau de pluie dans toutes ces situations, on remplacerait environ 40 % de l’eau potable consommée aujourd’hui dans un foyer. Alors, pourquoi n’est-ce pas déjà en place ? Parce qu’aujourd’hui la motivation pour se lancer ne peut être qu’extra-économique : rien n’est fait pour provoquer le passage à l’acte. C’est presque encore un acte militant.
Rendre obligatoire la récupération et le réemploi de l’eau de pluie
Il faut d’urgence favoriser la récupération et le réemploi de l’eau de pluie : l'imposer dans les PLU (plans locaux d’urbanisme) comme en Belgique, accompagner les installations qui coûtent évidemment plus cher qu’ouvrir son robinet, lever la ribambelle de restrictions qui accompagne le droit de réutiliser l’eau de pluie (seule la récupération de l’eau de ruissellement sur les toitures inaccessibles est autorisée dans la maison, et encore, pas dans les pièces où un robinet d’eau potable est présent !). En arrêtant de stigmatiser la responsabilité du risque sanitaire, on pourrait faire de l’eau de pluie un atout environnemental demain, au lieu d’une demi-tolérance, « à vos risques et périls », aujourd’hui.
Généraliser et accompagner
Pour arroser les espaces verts, indispensables pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, la solution de l’eau de pluie coule de source ! Cependant, l’obligation de collecter les eaux de pluie n’existe pas pour les collectivités alors qu’elles devraient être exemplaires dans ce domaine, comme en Allemagne ! Heureusement, quelques villes promeuvent le réemploi des eaux pluviales, y compris dans les bâtiments. Je pense à Rennes par exemple, ou encore à la ville de Paris qui a fait de la réhabilitation récente de la maison des Canaux, dans le XIXe arrondissement, un chantier-modèle sobre en eau (l’alimentation des toilettes et l’arrosage de la terrasse sont assurés par l’eau de pluie).
Il faut aller bien au-delà.
Au Gouvernement de monter le niveau d’exigence. L’agriculture est un levier d’action majeur : c’est 45 % de la consommation d’eau potable aujourd’hui en France. Sachant qu’on récupère environ 600 litres par m² de toiture – soit plus de 100 m3 par an pour un toit de 200 m² –, la collecte des eaux de pluie dans ce secteur peut facilement être développée pour l’arrosage des cultures horticoles, car les surfaces de toiture sont souvent importantes. Avec des analyses régulières de l’eau et les traitements adaptés, on peut même abreuver les animaux. Les investissements sont élevés et les aides sont là encore nécessaires pour enclencher le virage. Bravo à l’agence de l’eau Loire-Bretagne qui vient de voter un budget de 4 M€ pour accompagner cette transition auprès des agriculteurs de sa région. Comme le dit le rapport du GIEC, l’eau de pluie est une ressource à part entière. Il est temps d’agir.
Le moniteur
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