Saint-Gobain fait partie des satisfactions de cette saison des résultats semestriels. Le groupe a relève ses objectifs de rentabilité. Son patron, Benoit Bazin, nous livre son analyse du marché et nous explique la réussite de la stratégie du groupe.
Quel regard portez-vous sur les comptes du premier semestre de Saint-Gobain ?
Benoit Bazin : Saint-Gobain affiche, dans un environnement difficile, des performances record au premier semestre 2023 : résultat d’exploitation, résultat net courant, marge et cash flow atteignent des niveaux historiques, très au-dessus du consensus des marchés. Ce bilan à mi-année est la preuve de la force de notre stratégie de leader mondial de la construction durable qui montre semestre après semestre notre capacité structurelle à générer de la croissance et de la valeur. Plusieurs raisons expliquent ces succès : une organisation agile par pays, la valeur ajoutée de notre offre de solutions innovantes pour l’efficacité énergétique et la décarbonation des secteurs de la construction et de l’industrie, et enfin la poursuite de l’amélioration du profil du Groupe. Fort de ces très bons résultats du 1er semestre, nous pouvons confirmer que 2023 sera une bonne année, avec une marge d’exploitation à deux chiffres pour la troisième année consécutive.
Par pays quelles ont été les satisfactions et les déceptions ?
B.B : Ce premier semestre s’inscrit dans la continuité de notre plan stratégique « Grow & Impact » lancé en 2021. Nous avons poursuivi notre optimisation du périmètre d’activité avec notamment l’annonce de l’acquisition de Building Products of Canada, qui fait de nous l’acteur de référence dans ce pays où nous avons doublé de taille en 2 ans, et la cession de notre distribution à faible marge au Royaume-Uni.
Ce premier semestre 2023 a également été marqué par de très belles réalisations sur notre feuille de route de décarbonation. Notre verre ORAE, l’offre la plus basse en carbone au monde, monte en puissance dans plusieurs pays, et nous avons démarré notre usine de Norvège avec la première production zéro carbone (scopes 1 et 2) au monde de plaques de plâtre et réalisé la première production au monde de vitrage avec plus de 30% d’hydrogène en Allemagne.
En ce qui concerne les résultats opérationnels, dans un contexte globalement tendu, le Groupe continue de surperformer sur ses principaux marchés. A données comparables, le chiffre d’affaires augmente dans tous les segments géographiques à l’exception de la zone Europe du Nord qui souffre d’un ralentissement plus marqué de la construction neuve. Les Solutions de Haute Performance affichent de très bons résultats, bénéficiant de la force de leur innovation, d’une reprise du marché automobile en Europe, et d’une bonne tenue des prix de vente. Tous les secteurs affichent des marges très solides, notamment dans les Amériques avec un record de +17,8%.
Parvenez-vous encore à augmenter les prix de vente ? Quelle tendance sur les volumes ?
B.B : Comme anticipé, la situation est marquée par le ralentissement modéré des marchés, et donc de nos volumes, ce qui reflète une situation contrastée entre la baisse de la construction neuve, due à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt, et la bonne résilience générale de la rénovation. Grâce à sa nouvelle organisation, le Groupe prend de façon proactive les mesures commerciales et industrielles nécessaires localement pour continuer de surperformer ses marchés, tout en accompagnant au mieux nos clients grâce à la valeur ajoutée de ses solutions, sans relâcher notre attention sur l’écart entre les prix et les coûts.
L’inflation demeure-t-elle un handicap encore cette année ?
B.B : L’inflation a dépassé son pic dans les principales régions du Groupe. Certains prix de matériaux ont commencé à baisser (bois, acier) mais la décélération est plutôt lente. Pour rappel, entre mi-2021 et fin 2022, nous avons réussi à gérer une inflation de 5 milliards d’euros sur l’énergie et les matières premières ; pour 2023, nous estimons que la hausse sera nettement plus limitée.
Le groupe a profondément modifié son portefeuille d’activité depuis le plan Transform & Grow lancé fin 2018. Pouvez-vous nous en rappeler l’ambition et les mouvements opérés ?
B.B : Le « nouveau Saint-Gobain » s’appuie sur deux piliers fondamentaux.
Le premier est l’organisation et la culture du Groupe qui ont profondément évolué : nous sommes désormais organisés par pays, avec des équipes locales autonomes et responsabilisées. 90% de nos directeurs ou directrices de pays sont des natifs de leur pays : la directrice générale de la Pologne est polonaise, le directeur général du Vietnam est vietnamien, etc. Ces équipes ont la main sur toutes les activités Saint-Gobain dans leur pays et déploient ainsi une approche par solutions à plus forte valeur ajoutée et adaptées à chaque segment ou client local de la construction. Cette organisation multi-locale, plus agile, a fait ses preuves lors des récentes crises, COVID, perturbation des chaînes d’approvisionnement, guerre en Ukraine, inflation…
Le second pilier est la gestion dynamique de notre périmètre avec 9,2 milliards d’euros de cessions d’activités moins performantes et éloignées de notre stratégie de leader mondial de la construction durable et 4,2 milliards d’euros d’acquisitions d’entreprises porteuses de valeur et élargissant notre offre de solutions durables. Nous avons aussi fortement rééquilibré notre présence géographique : grâce à de nombreuses acquisitions réussies en Amérique du Nord, nous réalisons désormais plus de 60% de notre résultat d’exploitation en Amérique du Nord, en Asie et en pays émergents , alors que c’était autour de 40% seulement avant transformation ; Nous avons aussi créé un leadership très fort dans la chimie de la construction avec une plateforme de plus de 5 milliards d’euros, grâce à l’intégration de Chryso et de GCP Applied Technologies. En 4 ans, nous avons changé un tiers des ventes du Groupe.
La transformation de Saint-Gobain est-elle achevée ?
B.B : Aujourd’hui, le Groupe est plus fort et résilient, très bien positionné sur des activités structurellement porteuses que sont la rénovation et la construction durable et capable de continuer à surperformer dans des contextes difficiles. Le chemin parcouru en quelques années est important ! Ceci dit, je vois une entreprise comme un organisme vivant qui doit sans cesse évoluer et innover pour croître et avancer, nous sommes donc toujours très à l’écoute des opportunités qui se présentent.
Le groupe a réalisé d’importantes opérations de croissance externe au Canada. Quelle est l’ambition ?
B.B : Le Canada est un marché qui a des besoins structurels en matière de construction, en raison d’une immigration très forte et d’une population qui croît trois fois plus vite que la moyenne des pays de l’OCDE. C’est donc un marché clé pour la croissance de Saint-Gobain. L’annonce récente de l’acquisition de Building Products of Canada, numéro 2 dans la fourniture de bardeaux de toiture pour le secteur résidentiel, a tout son sens. L’entreprise fournit également toute une gamme de solutions de construction d’extérieur comme les panneaux isolants en fibres de bois et les panneaux acoustiques. Cette belle intégration, qui suit celle du producteur de revêtements extérieurs Kaycan réalisée l’an dernier, enrichit notre offre dans la rénovation et la construction légère et durable au Canada et plus largement en Amérique du Nord, et améliore ainsi notre proposition de valeur offerte aux clients. Elle sera également fortement créatrice de valeur pour nos actionnaires.
Ce mouvement stratégique marque une nouvelle étape majeure dans notre expansion en Amérique du Nord, où nous avons plus que doublé et complète nos récentes acquisitions.
Visez-vous d’autres zones géographiques en priorité ou des expertises dans le bâtiment sur lesquelles le groupe souhaite se renforcer ?
B.B : Avec une présence dans 75 pays, nous sommes dans toutes les géographies du monde, avec des positions fortes en Amérique du Nord, en Inde, respectivement premier et troisième pays en termes de résultat pour le Groupe (NDLR : La France est 2e), et dans les principaux pays d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est. La logique derrière chacune de nos opérations est celle des perspectives de croissance des économies et des démographies, qui tirent les besoins sous-jacents en construction et rénovation. Dans ces zones, nous cherchons à avoir une offre de solutions extérieures/intérieures la plus complète possible. Nous sommes par exemple entrés cette année sur le marché de l’isolation en Inde. Nous continuons de nous renforcer également dans la chimie de la construction, avec deux belles acquisitions récentes en Egypte et au Brésil.
A quelle seconde partie d’année vous attendez-vous ? Quelles sont les perspectives sur l’année ? A plus long terme ?
B.B : Saint-Gobain a réalisé un très bon premier semestre 2023. Nous venons de relever notre guidance avec, pour l’année 2023, une marge d’exploitation à deux chiffres, ce qui sera la 3è année consécutive avec une telle performance.
L’année 2023 sera donc une nouvelle année de succès avec la mise en œuvre de nos priorités de « Grow & Impact » dans le contexte d’une situation contrastée entre la baisse marquée de la construction neuve et la bonne résilience générale de la rénovation.
Dans cet environnement difficile, notre priorité est de continuer à démontrer la résilience du Groupe en consolidant le très bon niveau de performance opérationnelle, grâce à la pertinence de notre positionnement stratégique et des actions commerciales ou industrielles menées pour s’adapter de manière proactive aux évolutions de marchés spécifiques à chaque pays.
Rappelez-nous les grands principes de la politique de distribution de Saint-Gobain ?
B.B : Saint-Gobain a toujours choisi d’associer ses salariés à la réussite économique de leur entreprise. Les dispositifs mis en place pour les salariés (Intéressement, Participation et Actionnariat salarié) permettent de partager la valeur lorsque les profits s’améliorent.
Près de 95% de nos salariés en France ont touché une prime d’intéressement ou de participation (toutes nos filiales ne font pas de bénéfices en France) en 2022. L’actionnariat salarié est aussi fort chez Saint-Gobain, représentant 8,8% du capital, via notre Plan Epargne Entreprise.
En 2023, le Groupe prévoit de retourner à ses actionnaires, en dividende ou rachat d’actions, un montant total supérieur à 1,4 milliard d’euros, en hausse par rapport à 2022.
Comment jugez-vous le parcours de votre titre en Bourse ?
B.B : Nos choix stratégiques et notre transformation profonde portent leurs fruits : depuis 4 ans, nous avons régulièrement dépassé ce que nous avions annoncé en termes d’objectifs financiers et extra-financiers. Côté bourse, entre début 2019 et juillet 2023, l’action de Saint-Gobain a fait +100%, mieux que le CAC40. Cette année, nous figurons parmi les 5 plus fortes progressions du CAC40, à +28%.
Je suis confiant dans les perspectives de Saint-Gobain : pour répondre aux enjeux de neutralité carbone en 2050, d’urbanisation croissante, mais aussi de confort, le rôle de la construction est crucial. Et le Groupe est très bien positionné. Leader mondial de la construction durable, nous apportons toute la gamme de solutions pour construire durablement et rénover de manière efficiente avec des économies d’énergie tangibles et pérennes à la clé. Et nos équipes sont formidablement talentueuses et engagées pour réussir.
La lettre de la Bourse
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