Saint-Gobain Distribution Bâtiment France est leader de la distribution de matériaux, avec ses enseignes telles que Point.P ou La Plateforme du Bâtiment. Il accélère sa transformation grâce à l’intelligence artificielle. Laurence Beauregard, Directrice de la transformation IA, décrit les enjeux, les cas d’usage et l’accompagnement des équipes. Elle interviendra lors de la conférence Innovation B2B 2025 le 11 décembre à Paris sur le thème de l’impact de l’IA dans la distribution « B to B ».
Question : quelles sont les activités de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France ?
On y retrouve des enseignes généralistes dans la construction et le bâtiment, comme Point.P et La Plateforme du Bâtiment, ainsi que des spécialistes comme Cedeo dans le domaine du sanitaire, du chauffage et du génie climatique, ou Dispano pour les matériaux bois, panneaux et menuiseries. SGDBF regroupe neuf enseignes, 22 000 collaborateurs et plus de 2 000 agences réparties le territoire français. Ce maillage est dense à l’échelle nationale. Il constitue d’ailleurs l’une de ses forces différenciantes.
Question : quelles sont vos missions ?
Laurence Beauregard : Il y a quelques mois, nous avons décidé de réorganiser notre Direction Marketing afin de mieux soutenir les leviers de transformation stratégiques pour SGDBF. C’est dans ce cadre que j’ai été nommée Directrice de la Transformation IA. J’étais précédemment directrice des équipes digitales au sein du groupe.
Mon rôle consiste à identifier l’impact de l’intelligence artificielle sur nos métiers et d’accompagner les équipes dans la mise en œuvre de leurs projets
Mon rôle consiste à identifier les leviers d’impact de l’intelligence artificielle sur l’ensemble de nos métiers et d’accompagner les équipes dans la mise en œuvre de leurs projets. Je dirige également, depuis trois ans, une équipe de Data Science dont les moyens sont significativement renforcés, afin d’accélérer le développement et l’industrialisation des cas d’usage IA dans nos métiers.
Cette équipe data science travaille en étroite collaboration avec les métiers, la DSI, et avec l’équipe Transformation Agence, qui joue un rôle clé dans la conception et la construction des produits IA au service des forces commerciales en agence. Forte de son expertise des process métiers liés à la vente agence, l’équipe Transformation Agence pilote également le déploiement terrain des projets IA, dans la continuité de la transformation digitale menée ces dernières années autour de notre refonte d’ERP.
Question : quelle est la place de l’IA dans la stratégie de transformation de Saint-Gobain ?
Laurence Beauregard : l’IA n’est pas nouvelle chez SGDBF. Depuis 2019, nous avons une équipe Data Science qui développe des algorithmes d’IA prédictives qui sont déjà bien implantés dans des métiers tels que l’approvisionnement et le pricing [tarification des produits et des offres]. Mais l’arrivée de l’IA générative a ouvert de nouvelles perspectives comme dans beaucoup d’entreprises, en rendant ces technologies plus accessibles à d’autres métiers, comme les forces de vente ou le marketing.
A partir de 2023, avec l’émergence de ChatGPT, nous avons mené une phase d’acculturation et d’expérimentation, à l’instar de nombreux grands groupes. Mais au bout d’un an, force a été de constater que nous restions dans une logique de “bac à sable”, sans véritable passage à l’échelle. Ce constat a coïncidé avec la relance de notre programme stratégique Ambition 2035, une démarche de co-construction de la vision du groupe à horizon dix ans.
Parmi les défis sur lesquels le cercle Ambition a souhaité s’engager de façon prioritaire, on trouve celui ‘d’adopter les meilleures technologies pour innover et progresser sans cesse’. Cela nous a donné un mandat clair, soutenu par le Comex, et nous a amenés à structurer un véritable plan d’action autour de l’IA.
Cette démarche a permis de dégager une quinzaine de cas d’usage prioritaires, sélectionnés sur leur potentiel de création de valeur mesurable
Question : comment avez-vous procédé ?
Laurence Beauregard : nous avons mené un diagnostic complet avec l’aide d’un cabinet de conseil, par l’analyse des verticales métiers, des entretiens, des observations des points de friction dans nos processus, le recensement des initiatives existantes et l’étude des P&L de nos enseignes. Cette démarche a permis de dégager une quinzaine de cas d’usage prioritaires, sélectionnés sur leur potentiel de création de valeur mesurable.
Question : quels sont aujourd’hui les projets d’IA les plus avancés ?
Laurence Beauregard : les verticales métiers les plus avancées sont celles pour lesquelles nous travaillons depuis plusieurs années avec des algorithmes prédictifs de recommandation et d’aide à la décision. Côté supply chain, nous améliorons la prédiction des délais des fournisseurs et nous travaillons sur les prévisions de ventes afin de mieux calibrer nos niveaux de stocks, pour assurer un meilleur taux de service et communiquer des promesses de livraison plus fiables à nos clients.
Pour le pricing, nos outils apportent des recommandations affinées de tarif incorporant l’élasticité prix-volume, avec des recommandations de conditions tarifaires spécifiques par segment client afin de réduire le forçage du prix en agence. L’avènement de l’IA générative ouvre à présent de nouvelles perspectives, notamment pour les forces de vente, en venant impacter l’expérience collaborateur. Nous croyons fortement au cercle vertueux de l’engagement collaborateur, qui vient nourrir notre satisfaction client, qui elle-même sert notre performance commerciale. Le boost de l’expérience collaborateur est la clé d’entrée de tous nos projets.
Question : quel est le cas d’usage phare de l’IA ?
Laurence Beauregard : le cas d’usage phare de la transformation IA pour nos forces de vente est la génération automatique de devis. A l’heure actuelle, un commercial sédentaire consacre jusqu’à 60 % de son temps à la réalisation des devis, avec des délais parfois trop longs pour nos clients.
Nous travaillons sur un projet IA fast-track qui va permettre de générer automatiquement une première proposition avec des produits et des prix pertinents basés sur la demande exprimée et l’historique client, que le commercial pourra valider ou ajuster avant envoi. Ce n’est pas une automatisation totale, mais c’est un vrai gain de temps pour le collaborateur et à la clé c’est une meilleure expérience client et donc une conversion de devis en commande boostée.
Question : comment accompagnez-vous les collaborateurs dans cette transformation ?
Laurence Beauregard : la transformation IA doit s’amorcer et être pilotée par les métiers. C’est pourquoi nous avons adopté une approche product management, avec des équipes de Data Science placées au plus proche des métiers.
Lors du cadrage d’un projet, nous commençons souvent de manière simple. Il y a des échanges de fichiers Excel avec des vendeurs en agence et des enrichissements de dashboards [Tableaux de bord]. Cela permet de vérifier que les métriques à impacter sont bien celles utilisées par les processus métiers et que les livrables définis délivreront effectivement l’impact attendu. Nous avons appris de certaines expériences passées. Par exemple, un algorithme de détection de churn n’a pas été pleinement adopté car il n’avait pas été bien défini avec le terrain ce qu’est un client à risque de départ et quelles actions concrètes pouvaient être mises en place pour le retenir. Aujourd’hui, nous intégrons ces enseignements.
Question : quel est le rôle de l’équipe Transformation Agence ?
Laurence Beauregard : sur tous les sujets de vente augmentée en agence, l’équipe Transformation Agence, qui accompagne au quotidien nos forces commerciales et possède une connaissance fine de leurs processus, joue un rôle central dans la conception du projet d’assistance à la génération de devis. Elle est en première ligne pour les phases pilotes imminentes et le déploiement sur l’ensemble de nos agences et enseignes.
À noter qu’à côté de ces grands chantiers, le groupe Saint-Gobain propose évidemment des outils IA utilisables au quotidien tel qu’un ChatGPT interne, Copilot, etc. – même si leur adoption reste progressive, notamment dans les agences où le temps manque pour explorer ces fonctionnalités. Une transformation se conduit toujours sur deux jambes : les grands projets et les petits pas de tous les jours.
Laurence Beauregard interviendra lors de la conférence Innovation B2B 2025 le 11 décembre à Paris sur le thème de l’impact IA dans la distribution B2B.
La revue du digital
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