LAPEYRE PASSE SOUS PAVILLON ALLEMAND
Saint-Gobain a annoncé mardi soir avoir finalisé la cession de Lapeyre
au fonds allemand Mutares. Les syndicats s'inquiètent des réelles
intentions du repreneur.
Lapeyre est devenu allemand: mardi soir, Saint-Gobain a annoncé la finalisation de la cession de la chaîne de fabrication et distribution de produits d'aménagement de la maison au fonds Mutares, au grand dam des syndicats, qui craignent une casse sociale.
Le groupe français de matériaux de construction, qui a décidé de "concentrer ses ressources sur ses activités stratégiques", attendait l'homologation de l'opération par le tribunal de commerce de Paris, pour confirmer la vente, initialement annoncée le 9 novembre. Saint-Gobain détenait depuis 1996 l'enseigne Lapeyre créée en 1931, qui distribue une gamme de fenêtres, portes, cuisines, salles de bains, rangements pour professionnels et particuliers.
"C'est lamentable"
Lapeyre, qui a connu des difficultés financières, mais bénéficie actuellement de la reprise perceptible sur le secteur de l'habitation, est composé de 131 magasins alimentés par dix usines de fabrication toutes situées en France, et emploie 3400 personnes. Le rachat par Mutares est contesté par les syndicats, qui accusent le repreneur du groupe d'avoir l'habitude de siphonner les trésoreries des entreprises qu'il rachète, sur la base d'un audit financier demandé par l'intersyndicale.
"C'est une étape importante dans l'histoire de Mutares, puisque Lapeyre est l'acquisition la plus importante du groupe" a commenté Philip Szlang, président de Mutares France, auprès de l'AFP. Louant les "nombreux atouts de Lapeyre", il s'est déclaré confiant dans la capacité de Mutares à "redonner à l'enseigne sa place de leader de l'aménagement de la maison". Dans un communiqué parallèle, l'acquéreur, qui s'est engagé à ne fermer aucun site dans les deux premières années, tente de dissiper les craintes en indiquant "vouloir développer de manière rentable sa gamme de produits et son réseau". Arguments qui ne convainquent guère les syndicats.
"C'est lamentable, Saint-Gobain envoie 1000 salariés à la casse et il n'y a aucune émotion", a indiqué Hervé Grillon, délégué CGT. "Je tombe des nues. On peut aller en justice pour faire annuler l'homologation, mais c'est compliqué. Je pense qu'il va falloir se mobiliser massivement pour défendre nos emplois. Il n'y a plus que ça à faire. Une fois qu'on saura réellement qui est licencié ou non, le point de non-retour aura déjà été atteint. Des gens étaient chez Lapeyre depuis des années et leur employabilité ne va pas être bonne", a-t-il ajouté.
Saint-Gobain veut se recentrer
Mutares est une société d'investissement cotée en Bourse, avec des bureaux à Munich, où elle est basée, Francfort, Londres, Madrid, Milan, Stockholm et Vienne. Elle "acquiert des entreprises de taille moyenne ou des filiales de grands groupes ayant leur siège en Europe et présentant un réel potentiel d'amélioration opérationnelle, et qui sont par la suite revendues à l'issue de repositionnement et de relance", assure le groupe. Mutares emploie 12.000 personnes au total pour un chiffre d'affaires consolidé de 1,6 milliard d'euros, devant atteindre "environ 3 milliards d'euros d'ici 2023".
De son côté Saint-Gobain a justifié la vente par une "grande revue stratégique de l'ensemble de ses activités" dans le monde, se séparant de tout ce qui n'est pas son "coeur de métier" comme la distribution, ou situé sur des créneaux non rentables trop concurrentiels, comme des activités autour du verre de construction, la laine de verre et les canalisations en Chine. L'homologation de la cession, une procédure facultative demandée par Saint-Gobain au tribunal de commerce, avait pour vocation de "protéger Lapeyre", avait indiqué le directeur général adjoint de Saint-Gobain France, Guillaume Texier.
"Le repreneur ne pourra pas prendre possession des fonds laissés par Saint-Gobain avant 2024. Nous avons mis en place une sorte de coffre-fort surveillé jusqu'au retour de la rentabilité théorique de Lapeyre, même si la rentabilité réelle survient plus tôt", avait-il assuré
P.L. avec AFP - BFM 02/06/2021
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