Le Figaro Emploi part une nouvelle fois à la rencontre d'un DRH d'une grande entreprise française. Nouvel épisode des "conseils carrière" avec Régis Blugeon, directeur des ressources humaines pour la France chez Saint-Gobain.
Régis Blugeon est directeur des
ressources humaines pour la France et directeur des affaires sociales chez
Saint-Gobain depuis le 1er juillet 2012. Le professionnel est entré dans le
groupe en 1986 en tant que chef du personnel. Pendant 16 années, il occupe
plusieurs postes, directeur adjoint des ressources humaines, délégué régional
adjoint de Saint-Gobain Développement ou encore directeur des relations
sociales, avant de quitter le groupe. Il effectue alors un passage chez Fiat en
tant que DRH d'une business unit pendant 4 ans avant de revenir chez
Saint-Gobain, en 2006.
Régis Blugeon. Plus jeune, je
connaissais assez mal le monde du travail. J'avais du mal à comprendre le
fonctionnement des entreprises, à connaître les organisations qui pouvaient
m'embaucher. J'aurais aimé que l'on me donne davantage de vision, que l'on
m'explique quels étaient les champs professionnels, les attendus… En bref, ce
qu'était le monde du travail ! C'était une autre époque, je n'ai pas eu la
chance de faire des stages ou une alternance comme cela est possible
aujourd'hui. J'avais une idée très réduite de ce qu'était un client, une
organisation d'entreprise, de ce que je pouvais apporter et de la manière
d'évoluer à l'intérieur d'une entreprise. Je ne connaissais pas l'aspect
concret et pratique d'une entreprise.
Aujourd'hui, quels conseils
donneriez-vous à un jeune actif ?
La question essentielle est celle du sens au travail. Pour moi, les jeunes doivent se questionner sur l'élan qu'ils veulent donner à leur carrière. Qu'est-ce que je veux faire ? Quel est mon objectif ? Quelle valeur ajoutée je peux apporter ? A quoi cela sert-il ? Quel est la raison d'être de cette entreprise ? Comment je m'inscris dans cette histoire ? Le travail prend une part significative de la vie, il est important de choisir la carrière qui vous ressemble. La personne qui sait ce qui vous correspond le mieux, c'est vous.
"Entourez-vous de personnes qui vous apportent des
avis différents. L'objectif est d'utiliser la puissance du collectif pour
conforter votre choix"
Je conseille tout de même de se
faire accompagner, non pas pour se laisser influencer dans son choix, mais pour
donner de la consistance à la voie pour laquelle on opte. Entourez-vous de
personnes qui vous apportent des avis différents. Evidemment, si vous
connaissez des personnes qui sont dans le même secteur d'activité, c'est
intéressant. Mais vos proches peuvent également vous conseiller. L'objectif est
d'utiliser la puissance du collectif pour conforter votre choix.
Vous avez effectué la totalité
de votre carrière chez Saint-Gobain, à l'exception de quelques années passées
chez Fiat. Comment savoir qu'il est temps de quitter son entreprise ?
Au vu de mon parcours, je ne suis
peut-être pas le mieux placé pour répondre, mais certains critères sont à prendre
en compte pour faire son choix. D'abord, l'estime de soi est un moteur très
important. Être fier de son travail, avoir de l'autonomie, disposer d'une
capacité à prendre des décisions, avoir une part de risque, avoir le droit à
l'erreur, pouvoir s'exprimer au mieux… C'est primordial. Si ce n'est pas le
cas, il faut en parler avec son manager. Sans solution, il est nécessaire de
songer à partir.
"Quand
on se lève le matin en se disant 'encore une journée', il est temps de songer à
partir"
En fonction de la taille, de la
complexité et de la diversité d'une entreprise, il est tout à fait envisageable
de passer l'entièreté de sa carrière dans une seule et même société. Ce qui
importe, c'est d'avoir l'impression de pouvoir continuer à se développer, de
rester motivé et dynamique. Finalement, le critère qui incite au changement,
c'est l'ennui. Quand on se lève le matin en se disant "encore une
journée", il est temps de songer à partir. Lorsque l'on prend du plaisir
au travail ça se voit ! Pas besoin de le dire, les yeux pétillent, le visage
est souriant.
Par ailleurs, il faut aussi
prendre en compte la vie personnelle pour arbitrer. Parfois, il est possible de
connaître certains moments de blocage : vous avez envie de changer de métier ou
de lieu, mais votre entreprise ne le permet pas. Les choix de vie – être en
couple ou seul, avoir des enfants ou non, vouloir être proche de sa famille… –
influencent aussi la vie professionnelle.
A la suite
de ces quelques années chez Fiat, vous êtes revenu chez Saint-Gobain. En quoi
revenir dans une entreprise peut booster une carrière ?
Avoir une expérience
professionnelle dans une nouvelle entreprise, c'est découvrir un monde, des
métiers, des marchés, des clients, des façons de travailler. C'est presque une
expérience ethnographique ! Tout cela, vous le véhiculez avec vous quand vous
revenez. C'est une richesse dont il faut être conscient et qu'il faut partager.
Chez
Saint-Gobain, vous avez occupé de multiples postes. Pour vous, désormais DRH
pour la France, quelle est la clé pour obtenir une mobilité interne ?
Pour progresser en interne, il
faut donner le meilleur de soi-même, être performant tout en sachant que l'on
peut passer par des périodes de traversée du désert. L'essentiel est
d'apprendre de ces moments plus difficiles afin de rebondir et progresser.
"Une
carrière professionnelle ne se fait pas contre les collègues mais avec
eux"
Par ailleurs, je pense qu'il est
essentiel d'avoir une certaine capacité à travailler avec les autres. Une
carrière professionnelle ne se fait pas contre les autres mais avec eux. Les
collègues font partie de la solution et non pas du problème. Les collègues sont
les membres de l'équipe mais également les salariés des autres départements.
D'une part, travailler avec eux apporte une certaine excitation intellectuelle
qui est extrêmement précieuse. D'autre part, ces relations peuvent donner lieu
à des opportunités internes.
Selon vous, quel sens revêt
l'expression faire carrière ?
Pour moi ça n'a aucun sens de
dire "faire carrière". En revanche, ce qui fait sens, c'est de
construire son parcours. Derrière cette expression, on voit l'idée d'une
progression hiérarchique, de la montée d'échelons. En réalité, il n'y a pas de
voie royale.
"Il faut construire son parcours avec la volonté
de s'enrichir, de partager avec les autres, d'accroître sa part d'engagement
professionnel et d'utiliser un moteur essentiel, qui est la fierté"
Chacun construit son propre
parcours à partir de ce qu'il est, de ce qu'il sait faire et selon ses choix.
Le bon choix est celui qui nous correspond à un certain moment de la vie et qui
permet d'exprimer au mieux ses valeurs. Il faut construire son parcours avec la
volonté de s'enrichir, de partager avec les autres, d'accroître sa part
d'engagement professionnel et d'utiliser un moteur essentiel, qui est la
fierté. Être fier de soi fait rayonner et permet d'apporter le meilleur.
Comment faire pour ne pas avoir
de regrets en fin de carrière ?
Pour éviter les
regrets en fin de carrière, il faut essayer de toujours donner le meilleur de
soi-même. Il peut arriver de se tromper. Mais le plus important est de garder
la capacité à sortir des impasses et à marcher sur une nouvelle voie. Ces
erreurs montrent qu'on a vécu une vie professionnelle faite de mouvements, de
partage et de compréhension. Et si on se dit "mince, j'aurai dû faire
comme ça", c'est qu'on a encore suffisamment d'énergie pour recommencer.
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