Après sa victoire en début de mois et le classement du site de Saint-Gobain Thourotte (Oise) le collectif amiante tenait ce vendredi son assemblée générale. L'occasion de fêter son succès, mais la lutte n'est pas terminée.
Il y avait à la fois une ambiance de fête, de célébration, à l’assemblée générale du collectif amiante de Thourotte, et un goût d’amertume.
Ambiance de fête parce que ce vendredi 29 mars au matin les bénévoles du collectif, salariés, syndicats de retraités et d’actifs de la CGT — syndicat qui a porté le combat de l’amiante à Thourotte pendant 15 ans — se sont d’abord bien sûr félicités de la victoire obtenue le 7 mars avec la validation par le tribunal administratif du classement «site amiante» des usines Saint-Gobain Glass et Sekurit de Thourotte. L’avocate du collectif l’a confirmé aux actifs et retraités des usines : «Le dossier est aujourd’hui clos». Une victoire qui offre, au travers de différents dispositifs, indirectement ou directement, la possibilité de partir en retraite plus tôt, de percevoir des indemnités et de bénéficier d’un suivi médical spécifique. «C’est une victoire de la solidarité», s’est félicité le représentant départemental de la CGT, notant, «chose rare», que sur ce dossier, «les syndicats des retraités et des actifs» avaient travaillé de concert autour du comité.
Jean-Claude Patron, l’une des chevilles ouvrières du collectif, cégétiste depuis toujours, et ancien de Saint-Gobain Thourotte, s’est lui permis un historique du combat mené officiellement depuis 15 ans au sein de l’association, officieusement depuis les années quatre-vingt-dix lorsque l’amiante a commencé à faire parler de lui. «La difficulté pour faire reconnaître le site, a-t-il rappelé, c’est que contrairement à Fédéral Mogul (fabrication de plaquettes de frein, à Crépy-en-Valois) ici l’amiante n’était pas une matière première». Avec un amiante utilisé ici principalement en tant que matériaux d’isolation, «il a fallu prouver que 25 % des effectifs avait participé à des travaux de calorifugeage, argumenter sur le temps passé au contact de l’amiante, montrer les métiers concernés, détailler les fréquences…», a-t-il énuméré.
Le cynisme de Saint-Gobain
Une ambiance de victoire, mais un goût amer donc dans une assemblée où il a été demandé de ne pas «oublier les milliers de victimes de l’amiante» partout en France, et plus largement les «44.000 maladies professionnelles reconnues chaque année» ou les quelque «700 accidents du travail mortels annuels». Une assemblée où aussi le «cynisme» de Saint-Gobain a été dénoncé une nouvelle fois par Jean-Claude Patron qui se souvient que lors des premières alertes, «les médecins de l’usine niaient devant les malades les effets de l’amiante». «C’est tout juste s’ils ne nous disaient pas qu’on pouvait en manger», ironise-t-il.
Des mises en demeure à venir
Aujourd’hui, avec le classement du site et les procédures d’indemnisation, la hache de guerre syndicats / direction est-elle enterrée ? Pas tout à fait. De nombreux salariés ont encore témoigné ce vendredi de la difficulté d’obtenir lors de leur départ de l’entreprise l’attestation signifiant qu’ils ont été en contact avec l’amiante : le passeport pour leur parcours de soin. Alors qu’en théorie la reconnaissance «amiante» doit faciliter la 3ᵉ vague de dossiers de «préjudice d’anxiété» (reconnaissant un statut particulier et ouvrant de nouveaux droits aux salariés exposés, mais non malades), en pratique l’entreprise rechigne encore trop souvent à délivrer ces attestations. «Saint-Gobain fait preuve de mauvaise volonté, c’est peu de le dire», a estimé l’avocate du collectif, issue du cabinet Teissonnière, spécialisé dans le droit du travail. Elle promet de solliciter l’entreprise dans les prochaines semaines. «Et si nous n’avons pas de réponse ou des réponses négatives, nous saisirons le juge de l’exécution pour les mettre en demeure», assure-t-elle. Dans un tel scénario, «des dommages et intérêts seront demandés, car ces retards entraînent des retards dans le suivi médical et une perte de chance».
On ne tourne pas la page amiante
De quoi faire écho à ces mots prononcés par Alain Bobiau, secrétaire national de l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante (Andeva) qui a travaillé avec le collectif sur toutes ces procédures : «Il y a une volonté aujourd’hui de tout le monde de tourner la page amiante, mais pour nous ce n’est pas du passé : chaque semaine, nous voyons des personnes qui nous disent, “j’ai ceci”, “j’ai cela” : le nombre de mésothéliomes (cancers de la plèvre, NDLR) ne diminue pas, il est constant». Et ce ne sont pas les différents appels formés lors des procédures par le ministère du Travail, appuyés par Saint-Gobain, qui lui donneront tort quant à la volonté «d’enterrer la question de l’amiante».
Le combat va donc se poursuivre pour le collectif qui prépare une troisième vague de procédures «anxiété» avec déjà une centaine de dossiers bouclés. Jean-Claude Patron continue toutefois d’appeler au recensement des personnes concernées : «Aujourd’hui, les anciens salariés qui étaient en CDD, en intérim, sous-traitants ou stagiaires, peuvent y avoir droit, mais ils sont disséminés dans la nature». Pour eux, la démarche à suivre est simple : contacter le collectif amiante de Thourotte et se joindre aux procédures collectives.
Oisehebdo
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